Un article de la Nouvelle Vie Ouvrière

On a tous quelque chose du Tour de France

La présence de la CGT et de son journal, la Vie ouvrière remonte à 1947. Michel Scheidt, journaliste à la Nouvelle Vie Ouvrière revient sur l’histoire du Tour, son inscription dans l’histoire sociale et explique la participation de la CGT et de sa presse à la Grande Boucle.

Le Tour de France est créée en 1903 par le journal « L’Auto ». Les motivations de son directeur, Henri Desgrange sont moins connues. En concurrence avec un autre magazine sportif « Vélo », il n’arrive cependant pas à faire décoller ses ventes. Il missionne Géo Lefèvre, le meilleur d’entre ses journalistes, pour trouver l’Idée géniale. Qui assoirait définitivement la notoriété du journal

Par Michel Scheidt.

A l’époque, si le cyclisme est déjà très populaire. Les compétitions n’en sont qu’à leurs balbutiements. La plupart sont organisées par le titre concurrent « Vélo ».

C’est donc de ce côté-là que Lefèvre concentre ses efforts. « Et si on organisait le tour de la France à vélo ? » lance t’il à Desgrange ? Desgrange le prend pour un fou. Mais devant une courbe des ventes en baisse constante, la « raison » va l’emporter. Le coup de folie de Géo Lefèvre se transforme en coup de génie. Le Tour de France cycliste est né. Paradoxe : il est organisé par un magazine spécialisé dans … l’automobile. Reste que la popularité du Tour de France ne se manifeste pas d’emblée. Pas plus que l’embellie escomptée sur des ventes.

Qu’il va bien falloir doper…Pour cela, il faut du spectacle. Déjà !
Alors Lefèvre récidive. En 1905, il fait passer les montagnes aux coureurs. Ce sera le Ballon d’Alsace, en 1910 les Pyrénées et, en 1911, les Alpes. En prenant de la hauteur, le Tour acquière ses lettres de noblesse. Le public ne se détachera plus de cette épreuve que rien n’a jamais arrêtée. Seules les deux guerres mondiales interrompront l’épreuve. Malgré les récurrentes affaires et le dopage qui l’ont fait vaciller et mettre un genou en terre, le Tour de France appartient au patrimoine culturel de notre pays.

Quelle que soit l’intérêt qu’on lui porte, qu’on l’aime, qu’on le déteste ou qu’il nous laisse indifférent, on n’échappe pas au Tour de France. C’est ainsi. Sans lui, le mois de juillet ne serait pas tout à fait le même. C’est qu’on a tous en nous quelque chose du Tour de France. Une image, des sons, des couleurs, des odeurs ou un simple objet jeté par la caravane publicitaire, récupéré et conservé. Comme une relique… Le Tour de France est le seul spectacle sportif de cette ampleur, gratuit et …livré à domicile. Sur le pas de la porte. Entrée, plat et dessert …service compris ! On l’attend des heures, des jours parfois. Puis la clameur monte. Les voilà ! Les coureurs semblent glisser accompagnés par le sifflement aigu des boyaux et le bruissement harmonieux des chaînes sur le pédalier. Vite, trop vite. Ils sont passés. Un souffle encore, puis le vrombissement des voitures… C’est fini ! On replie les chaises, les tables et les parasols. On range les restes du pique nique dans la glacière… Un instant furtif dont on se souvient ensuite toute sa vie. C’est sans doute cela que l’on appelle la magie du Tour !

De plaines en forêts, de vallons en collines, au grand soleil d’été qui courbe la Provence, des genêts de Bretagne aux bruyères d’Ardèche…
, sa longue caravane, sonore et multicolore, serpente les routes d’un hexagone à la géographie parfois … débordante !

Mais le Tour de France, c’est aussi le Tour de la France. De cette France populaire, chaleureuse et familiale. Celle qui travaille, qui résiste, qui lutte et qui se bat. Celle qui ne s’en laisse pas conter. Jamais ! Celle qui donne au Tour de France ces belles couleurs de fête. Et ce goût du bonheur éphémère que l’on respire à pleins poumons.

Depuis 1947, la NVO et la CGT font partie de cette fête.
Leur présence sur cet événement est historique et naturelle.
Histoire :lors de la seconde guerre mondiale, un certain nombre de titre de presse entrent dans la clandestinité. Ce fut le cas notamment de la Vie Ouvrière. Une page d’histoire à la fois tragique et glorieuse que raconte Jean-Claude Poitou dans « Les VO de la nuit » [1].
1947, le Tour reprend sa route. Créé en 1903 par un journal et des journalistes, le Tour est toujours une « affaire » de journalistes. Ses directeurs ont presque toujours et sont encore des journalistes. C’est donc naturellement que les titres de presse ayant résisté à l’occupant et contribués à la libération du pays sont invité gratuitement dans la caravane publicitaire du Tour de la reprise. Ils vendent au public leurs journaux. A la poignée.

C’est ce que feront longtemps les militants syndicaux et les salariés de la VO, comme ceux de l’Humanité, du Parisien Libéré, ou de Libération. Pour la VO, seul titre de presse syndicale, la plus value originale de sa présence militante sur le Tour est de porter les couleurs de la CGT auprès d’un public constitué pour l’essentiel d’ouvriers, d’employés et de retraités. De gens qui connaissent l’âpreté et la dureté du travail et qui se reconnaissent dans l’effort fourni par ceux que le journaliste Albert Londres qualifia, en 1924, de « Forçats de la route ».

Le même public à qui s’adresse toute l’année la CGT à l’entreprise et dans les territoires. Un public pour qui le Tour est une fête et qui nous reconnaît parce que nous en faisons partie.

C’est dans ce contexte que depuis toutes ces décennies, la CGT et son journal sont toujours invités sur le Tour. Sauf entre 1993 et 1997, où Jean- Claude Killy, alors aux manettes de la Société du Tour de France, marque une rupture avec l’histoire. Pas philanthrope pour deux sous le champion… Ceux qui viennent sur le Tour pour vendre paient un droit d’entrée. Tout schuss en direction des coffres de l’entreprise … Business is business ! Ne pouvant plus vendre de titre dans ces conditions, la VO, comme d’autres sont alors contraints d’abandonner la course. Et de la reprendre en 1997 à l’invitation de direction du Tour qui rétablit les conditions antérieures. Ce qui va nous permettre de porter les couleurs du vote CGT aux élections prud’homales dans la caravane de « notre retour ».

Depuis, les véhicules aux couleurs de la NVO et de la CGT vont à la rencontre d’un public estimé à prés de 13 millions de personnes. Parallèlement à notre présence dans la caravane publicitaire, de nombreuses UD, UL ou régions traversées par l’épreuve saisissent cette formidable caisse de résonance qu’est le Tour pour sensibiliser le public, s’exprimer largement sur les problématiques sociales et économiques locales ou nationales. Ces dernières années, ce fut le cas notamment des campagnes menées contre les privations d’EDF, pour la reconnaissance d’un statut pour les saisonniers, pour les salaires, l’emploi, la sauvegarde de la sécurité sociale …et bien sûr, en 2010 de celle des retraites. Notre présence, celle de Bernard Thibault à Chambéry, la formidable mobilisation de centaines et de centaines de militants tout au long du mois de juillet à représenté une bonne part de la mobilisation CGT de l’été. Des milliers de cartes pétition contre la réforme ont été signées. De nombreuses et diverses manifestations festives, conviviales et néanmoins revendicatives ont pu être organisées tout le long de la route. Les militants de la CGT, comme ils le font chaque année, n’ont ménagé ni leur peine ni leur imagination pour tenir des activités syndicales, estivales, festives et néanmoins revendicatives. 2010 nous a valu de larges relais médiatiques sur la bataille des retraites. La presse quotidienne régionale, la presse nationale audio visuelle ont largement communiqués sur nos actions et notre présence. 2011, la caravane CGT va mettre un bon coup de pédale pour les salaires et les services publics.

Notes

[1Jean Claude Poitou fut Rédacteur en Chef de la VO. Il est l’auteur de nombreux ouvrages dont les « VO de la nuits » VO éditions (épuisé). Cf également Denis Cohen et Valère Staraselski, Un siècle de Vie Ouvrière, 2009, Le Cherche midi éditeurs.

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